Perturbateurs endocriniens
L’un des premiers perturbateurs endocriniens à faire scandale est sans aucun doute le bisphénol A, présent dans le plastique des biberons et pointé du doigt pour ses effets néfastes sur la santé. Les perturbateurs endocriniens regroupent une vaste gamme de substances chimiques, parfois très différentes, mais qui sont toutes capables de perturber les fonctions hormonales de l’organisme et donc la santé. Les perturbateurs endocriniens sont un enjeu majeur de santé environnementale.
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
D’après la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un perturbateur endocrinien est une « substance chimique d’origine naturelle ou synthétique, étrangère à l’organisme et susceptible d’interférer avec le fonctionnement du système endocrinien, c’est-à-dire des cellules et organes impliqués dans la production des hormones et leur action sur les cellules dites « cibles » via des récepteurs ».
Les perturbateurs endocriniens sont donc des substances chimiques capables d’interférer avec les fonctions hormonales de l’organisme. Or toutes les fonctions biologiques et physiologiques associées au bon fonctionnement de l’organisme sont sous le contrôle d’une ou plusieurs hormones : le métabolisme, la reproduction, la croissance, etc.
Les perturbateurs endocriniens regroupent des substances chimiques parfois très différentes les unes des autres, car leur seul point commun est d’interférer sur une ou plusieurs fonctions hormonales. La plupart des perturbateurs endocriniens sont des composés présents dans les produits du quotidien, par exemple :
- Les phtalates présents notamment dans différents matériaux plastiques ;
- Certains parabènes, des substances utilisées comme conservateurs dans les cosmétiques entre autres ;
- Certains composés perfluorés (PFAS) utilisés dans les textiles et les emballages ;
- Certains composés polybromés, utilisés comme retardateurs de flammes dans de nombreux équipements ;
- Des organochlorés le plus souvent utilisés comme produits phytosanitaires pour l’agriculture ;
- Des produits de combustion, comme les dioxines, les furanes ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Mais d’autres substances, plus inattendues, sont également des perturbateurs endocriniens :
- Certains médicaments, comme les médicaments hormonaux, et en particulier le Distilbene® responsable de malformations congénitales chez les jeunes filles nées de mères exposées à ce médicament ;
- Certaines vitamines synthétiques, comme la vitamine D3 ;
- Certains composés présents dans le soja, les isoflavones, qui imitent l’action des hormones féminines.
Quels sont les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé ?
Les perturbateurs endocriniens peuvent impacter les fonctions hormonales à trois niveaux :
- En imitant l’action d’une hormone naturelle ;
- En bloquant l’action d’une hormone naturelle (en empêchant l’hormone de se fixer à son récepteur ou en bloquant le signal hormonal) ;
- En bloquant la production de l’hormone.
Les études scientifiques pointent du doigt les perturbateurs endocriniens pour de multiples effets négatifs sur la santé :
- La baisse de la fécondité, avec une augmentation du risque d’infertilité féminine et/ou masculine ;
- Une augmentation du risque de puberté précoce ;
- Des malformations congénitales ;
- Des troubles de la croissance ;
- Des troubles du neurodéveloppement ;
- Des troubles immunologiques ;
- Le développement des cancers hormono-dépendants, comme le cancer du sein ou le cancer de la prostate ;
- Le développement de maladies métaboliques, comme l’obésité ou le diabète.
Néanmoins, il reste souvent difficile d’attribuer la survenue d’une maladie à un perturbateur endocrinien en particulier. En effet, nous sommes exposés quotidiennement à de multiples perturbateurs endocriniens. C’est ce que les chercheurs appellent l’effet cocktail. De plus, il est difficile d’identifier le moment précis de l’exposition. Même in utero le fœtus est exposé aux perturbateurs endocriniens présents dans le sang maternel, mais il ne développera des problèmes de santé parfois que bien des années plus tard.
Où se trouvent les perturbateurs endocriniens ?
Les perturbateurs endocriniens se trouvent partout dans l’environnement, certains étant même connus pour être des polluants éternels : dans l’air, dans l’eau, dans les produits du quotidien, dans les aliments, etc. Les modes d’exposition sont à la fois multiples (ingestion, inhalation, contact cutanée) et quotidiens.
Les perturbateurs endocriniens se trouvent présents en nombre, à la fois dans et à l’extérieur des habitations, mais aussi en milieu professionnel, en particulier dans les secteurs suivants :
- L’agriculture, avec les produits phytosanitaires ;
- L’industrie pharmaceutique ;
- L’industrie chimique.
Les perturbateurs endocriniens, un enjeu majeur pour la santé environnementale !
Si le travail des chercheurs pour démontrer les effets néfastes de chaque perturbateur endocrinien sur la santé est complexe, les autorités de santé publique ont d’ores et déjà identifié les perturbateurs endocriniens comme un enjeu majeur en matière de santé environnementale.
Dès 2012, la France a pris conscience de l’importance de cet enjeu. En avril 2014, elle a défini sa première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, puis une seconde stratégie a été lancée en septembre 2019, avec trois objectifs :
- Former et informer le grand public, mais aussi les professionnels et tout particulièrement les professionnels de santé ;
- Protéger la population et l’environnement ;
- Promouvoir la recherche sur les perturbateurs endocriniens, pour mieux comprendre leurs effets sur la santé.
Au niveau européen, la prise de conscience des dangers liés aux perturbateurs endocriniens s’est traduit par une évolution de la réglementation. Le règlement européen CLP (classification, labelling and packaging) intègre depuis 2023 une nouvelle classe de danger, intitulée « perturbateur endocrinien ». Par ailleurs, depuis 2020, un site internet répertorie les listes des perturbateurs endocriniens et l’ensemble des travaux portant sur ces substances. Des informations régulièrement mises à jour grâce à la collaboration de plusieurs pays européens. Enfin en France, la loi AGEC n° 2020-105 du 10 février 2020 oblige désormais les industriels à informer le consommateur sur la présence de perturbateurs endocriniens dans ses produits.
Estelle B., Docteur en Pharmacie
– Perturbateurs endocriniens. www.inserm.fr. Consulté le 1er août 2024.
– Étude PEPS’PE : priorisation des effets sanitaires à surveiller dans le cadre du programme de surveillance en lien avec les perturbateurs endocriniens. www.santepubliquefrance.fr. Consulté le 1er août 2024.
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