Face à l’antibiorésistance, quelles sont les solutions ?

Par |Publié le : 14 février 2019|Dernière mise à jour : 14 août 2024|4 min de lecture|

« Les antibiotiques, c’est pas automatique », « Les antibiotiques utilisés à tort, ils seront moins forts » : ces messages nous mettaient en garde contre l’antibiorésistance. Qui n’a pas entendu ces phrases incitant le grand public à plus de modération dans la consommation d’antibiotiques ? Pourtant, aujourd’hui certaines bactéries sont capables de résister à tous les antibiotiques connus. Que faire face à la résistance des bactéries aux antibiotiques ?

antibioresistance boîte de pétri avec des bactéries

Bactéries et antibiorésistance

La résistance aux antibiotiques, également appelée l’antibiorésistance, n’est pas un phénomène nouveau. Les bactéries sont capables de résister aux antibiotiques naturellement produits par d’autres bactéries ou des champignons depuis la nuit des temps. L’antibiorésistance est donc initialement un phénomène naturel.

La découverte des antibiotiques dans les années 1930 a révolutionné la médecine moderne et permis le traitement de nombreuses infections, considérées jusque-là comme mortelles. Successivement, différentes classes d’antibiotiques ont été découverts, d’abord des antibiotiques naturels (extraits de champignons ou de bactéries), puis des antibiotiques naturels modifiés chimiquement pour être plus efficaces, et enfin des antibiotiques de synthèse.

Longtemps, les chercheurs ont imaginé que les bactéries seraient incapables de résister aux antibiotiques de synthèse. Mais les bactéries ont un long passé évolutif derrière elles et à chaque fois, elles ont trouvé le moyen de résister à l’action des antibiotiques. Progressivement, sont apparues des bactéries multi-résistantes, capables de résister à la totalité des antibiotiques actuels. Ainsi, certains patients se retrouvent aujourd’hui infectés par des superbactéries, contre lesquelles les médecins ne disposent plus d’aucune arme. Comme si le patient était revenu à la situation d’avant les années 1930.

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Les stratégies envisagées pour lutter contre la résistance aux antibiotiques

Comment lutter contre la résistance aux antibiotiques ? Evidemment, les chercheurs et les industries pharmaceutiques poursuivent leurs efforts pour découvrir de nouveaux antibiotiques et pour les rendre les plus efficaces possibles. Mais bien souvent, les bactéries finissent un jour ou l’autre par découvrir un moyen d’y résister.

L’organisation des soins et l’optimisation des tests microbiologiques sont également deux aspects importants de la lutte contre l’antibiorésistance. Les campagnes d’information insistent sur la nécessité d’un usage raisonné et à bon escient des antibiotiques, pour qu’ils conservent leur efficacité. Pourtant, la France reste l’un des pays les plus consommateurs d’antibiotiques en Europe. Par ailleurs, les examens microbiologiques effectués sur les prélèvements (sang, urines, pus, …) nécessitent souvent entre 2 et 3 jours avant de déterminer précisément la bactérie en cause et à quel antibiotique elle est sensible. La réduction de ce délai pourrait être une piste intéressante pour mieux cibler les antibiotiques efficaces dès le début de l’infection.

Les antibiotiques ne sont pas la seule arme dont les médecins disposent pour s’attaquer aux bactéries responsables des infections. La vaccination permet également de protéger préventivement la population face à des infections le plus souvent graves. Ainsi, des chercheurs travaillent pour développer de nouveaux vaccins contre des maladies bactériennes. Ces vaccins pourraient permettre de réduire l’utilisation des antibiotiques et donc le développement de bactéries résistantes.

Par ailleurs, certains spécialistes s’intéressent de près à la phagothérapie. Les bactéries peuvent elles aussi être infectées, par des virus appelés des phages. Les phages s’attaquent exclusivement aux bactéries et il existe un type de phage spécifique pour chaque souche bactérienne. Les bactéries sont incapables de résister à l’action des phages. La phagothérapie est basée sur l’utilisation thérapeutique des phages pour traiter des infections bactériennes. Si cette technique apparaît très prometteuse, elle se heurte pour l’instant à des difficultés :

  • Techniques : il faut une immense diversité de phages pour venir à bout de toutes les bactéries ;
  • Réglementaires : quel statut donner aux phages ?

Enfin, le microbiote est l’une des pistes explorées pour mieux comprendre et lutter contre l’antibiorésistance. L’appareil digestif est la région de l’organisme où est retrouvé le plus grand nombre de bactéries multi-résistantes. Or le microbiote, qui regroupe entre autres les bactéries dont notre organisme a besoin pour bien fonctionner, peut nous aider à lutter contre les bactéries pathogènes. Mieux préserver le microbiote avant et pendant un traitement antibiotique pourrait ainsi largement contribuer à réduire le développement de la résistance aux antibiotiques.

Toutes ces pistes peuvent ensemble contribuer à limiter les conséquences de la résistance aux antibiotiques. L’objectif pour l’avenir n’est pas de se passer totalement des antibiotiques, mais d’assurer leur efficacité, en limitant le développement des bactéries multi-résistantes.

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Estelle B. / Docteur en Pharmacie

– Les antibiotiques, c’est la panique ! Ruppé, E. 2018. Editions Quae.

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Estelle B.
Pharmacienne
Pharmacienne Spécialiste de l'information médicale et de l'éducation thérapeutique du patient. Passionnée par les domaines de la santé et de l'environnement marin. Rédige un contenu scientifique fiable avec des sources vérifiées en respect de notre charte HIC.