Trois patients paralysés réussissent à remarcher grâce aux neurotechnologies
Grâce à un stimulateur électrique (Neurotechnologie) positionné sur la moelle épinière, au niveau des vertèbres lombaires, et un programme de rééducation, trois patients souffrant de paralysies chroniques ont réussi à remarcher grâce à l’aide de béquille ou de déambulateur. Zoom sur ces travaux exceptionnels réalisés au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) de Lausanne, fruit d’un travail de recherche de 15 ans.
Neurotechnologie, quinze ans de recherche
Sébastian, Gert-Jan et David ont subi des accidents graves entrainant une paralysie de leurs membres. Même si ces jeunes sportifs, âgés de 28 à 40 ans, récupèrent partiellement l’usage de leurs membres supérieurs, leurs jambes restent paralysées.
Leurs lésions médullaires empêchent la connexion entre le cerveau et leurs nerfs des membres inférieurs.
Trois à cinq ans plus tard, ils décident de participer à une étude qui évalue un nouveau traitement : l’étude STIMO (Stimulation Movement Overground).
Son principe ? Un implant avec 16 électrodes est inséré au niveau des lombaires (dans le bas du dos) et en contact de la moelle épinière, au-dessus de la lésion.
« La pose d’un tel implant est couramment pratiquée pour lutter contre la douleur chronique. Ce n’est pas une chirurgie compliquée. L’implant doit juste être positionné très précisément » précise Jocelyne Bloch, neurochirurgienne de l’étude, dans un communiqué de presse de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
En plus de cet implant, le Pr Bloch et son équipe positionnent un générateur sans fil au niveau de l’abdomen, relié par des fils à l’implant. En étant piloté à distance par un ordinateur ou une tablette, ce générateur transmettra à l’implant des signaux électriques qui l’activeront pour stimuler les nerfs des muscles des jambes.
« Nos découvertes se fondent sur la compréhension approfondie des mécanismes de la marche, acquise au fil de nombreuses années de recherches sur des modèles animaux – des rats et des primates. Ce long travail nous a permis de reproduire en temps réel la manière dont le cerveau active la moelle épinière « explique Grégory Courtine, neuroscientifique à l’EPFL.
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Un entraînement intensif pour récupérer la fonction nerveuse
Le mécanisme d’action de ce dispositif est simple : activer via les électrodes du stimulateur des zones spécifiques de la moelle épinière pour mimer les informations que le cerveau lancerait pour activer l’action de la marche.
Cependant, il a fallu que les trois patients suivent des entraînements sur 5 mois à raison de 4 à 5 fois par semaine, pour déclencher une » plasticité » neuronale. Autrement dit, déclencher cette faculté du système nerveux à réorganiser les fibres et les connexions nerveuses.
Ces croissances et réorganisations des circuits de neurones alternatifs avaient déjà été démontrées chez l’animal, mais pas chez l’homme.
Au cours des séances, les trois participants ont été capables de :
- Marcher sans s’aider de leurs mains sur plus d’un kilomètre, avec l’aide d’une stimulation électrique ciblée et un harnais intelligent;
- Réorganiser leurs fibres nerveuses pour assurer une meilleure fonction motrice;
- Récupérer du volume et du tonus musculaire;
- Marcher sans aide de la stimulation pour deux d’entre eux.
» Le timing et la localisation de la stimulation électrique sont essentiels pour la capacité du patient à produire un mouvement volontaire. C’est aussi cette coïncidence spatio-temporelle qui déclenche la croissance de nouvelles connexions nerveuses » précise Grégoire Courtine dans les colonnes Le Temps.
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Les prochaines étapes : accessibilité et couplage cerveau-implant de stimulation
Prochainement, cinq autres patients paralysés depuis longtemps et d’autres patients accidentés récemment suivront cette thérapie couplant une implantation chirurgicale et un entraînement physique de 5 mois.
Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch ont cofondé une start-up, GTX-Medical, pour rendre ces dispositifs plus accessibles.
« Nous construisons la prochaine génération de la neurotechnologie, qui sera testée très tôt après le traumatisme, lorsque le potentiel de rétablissement est élevé et que le système neuromusculaire n’a pas encore subi le phénomène d’atrophie consécutif à la paralysie chronique. Notre objectif est de développer un traitement largement accessible » explique Grégoire Courtine.
Autre perspective de réussite de cette neurotechnologie d’ici 5 ans : coupler la stimulation de la moelle épinière aux signaux de commande du cerveau comme cela a déjà été fait pour contrôler un bras robotisé ou un bras paralysé.
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Julie P., Journaliste scientifique
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