Mieux comprendre le syndrome de Diogène

Par |Publié le : 11 septembre 2017|Dernière mise à jour : 14 août 2024|5 min de lecture|

Dès 1975, deux gériatres anglais, Clark et Mankikar décrivent une addiction comportementale connue depuis un certain temps, mais peu étudiée : l’accumulation compulsive. Baptisé syndrome de Diogène, en référence au philosophe grec, Diogène de Sinope qui avait la particularité de vivre dans une amphore et dans le dénuement le plus total en dénonçant les artifices de la société. Pour mieux comprendre ce syndrome, des chercheurs ont étudié en détails, le profil de 50 personnes, âgées de 50 à 93 ans et atteintes du syndrome de Diogène. Focus sur les résultats parus dans la revue Journal of Aging Research & Clinical Practice.

Description visuelle du syndrome de Diogène

Mieux comprendre la maladie en étudiant le profil des patients

Cinq chercheurs français, encadrés par la psychogériatre Laurence Hugonot-Diener de l’hôpital Broca de Paris-Sud, ont rencontré et étudié 50 personnes atteintes du syndrome de Diogène, vivant toujours dans leur domicile parisien, et notifiées auprès des autorités pour causes de nuisances (odeurs, parasites etc..) ou de risques (incendie, fuites d’eau).

Après l’entretien individuel visant à mieux connaître le parcours individuel de chacun, les chercheurs ont évalué, à l’aide d’échelles standardisées, leurs troubles mentaux et les éventuelles maladies associées (dépression, maladie d’Alzheimer etc..).

Quel bilan pour les chercheurs ?

Globalement, ils ont relevé six types de syndrome de Diogène présentant différents niveaux de sévérité en fonction de la détention complète ou partielle des trois symptômes caractéristiques du syndrome.

Type de syndrome de Diogène 1 2 3 4 5 6
Accumulation compulsive x x x   x  
Négligeance de soi x x   x   x
Isolement social x   x x    

 

Le tiers des participants présentait tous les symptômes :

  1. Une accumulation compulsive d’objets divers et variés ;
  2. Une négligence de leur hygiène de vie et de leur personne ;
  3. Un isolement social.

Les deux autres tiers présentaient un syndrome partiel, c’est-à-dire n’affichant pas forcément les 3 symptômes de manière simultanée (accumulation compulsive/manque d’hygiène/isolement social).

Les chercheurs indiquent par ailleurs que l’accumulation compulsive est à la fois le symptôme le plus fréquent car, il touche ici 90% de la population étudiée, mais le plus difficile à repérer. En effet, il est très compliqué de le détecter rapidement, car il reste non perceptible de l’extérieur pendant des mois, voire des années. L’accumulation à outrance des objets, de la nourriture, des meubles est souvent décelée quand la personne vit dans une insalubrité extrême au point d’alerter le voisinage par la présence d’odeurs nauséabondes et d’insectes ou de parasites.

Pour finir, un fait était retrouvé chez tous : ils n’ont jamais demandé de support extérieur et la mise en place d’une aide (travailleur social, psychologue) était souvent déclenchée suite à une dénonciation du voisinage auprès de services de la ville.

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Les maladies associées au syndrome de Diogène

Globalement, 46% des personnes n’ont pas de pathologies associées. Pour les autres, les chercheurs ont diagnostiqué trois personnes schizophrènes et huit personnes présentant des troubles délirants.

A savoir ! Le trouble délirant est un trouble psychotique assez rare se caractérisant par des idées délirantes, c’est-à-dire des convictions erronées maintenues malgré la présence de preuve évidente de leur irréalité. Il apparaît à l’âge moyen et son évolution est très variable car, il peut être isolé sans rechute ou chronique.

Vingt personnes présentaient cependant une démence sous la forme d’une maladie d’Alzheimer, d’une démence fronto-temporale ou d’une démence vasculaire.

A savoir ! Les démences fronto-temporales constituent un groupe de maladies neurodégénératives caractérisées par des troubles du comportement et du langage associés à une détérioration intellectuelle, qualifiée de démence à partir d’un certain seuil.

Les démences vasculaires sont causées par des accidents vasculaires cérébraux engendrant des symptômes cognitifs comme des troubles de l’humeur, une dépression et des troubles de mémoire.

Par ailleurs, les auteurs de l’étude ont également mis en évidence une prévalence importante d’expériences traumatiques durant l’enfance chez les personnes souffrant de ce syndrome. Ils estiment que des recherches plus approfondies sur ce point se révèlent nécessaires et que ce questionnement sur l’enfance pourrait servir de fil conducteur pour ajuster leur accompagnement psychologique.

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Vers une prise en charge plus adaptée

À l’issue de ce travail, les chercheurs se prononcent en faveur du maintien de l’appellation actuelle « syndrome » qui englobe les différents types rencontrés et la possibilité de voir, en même temps, une maladie présente chez le patient.

Du côté de la prise en charge, ils considèrent que ces situations complexes nécessitent une approche pluridisciplinaire (psychiatre, services sociaux, médecins traitants) coordonnée par une équipe médico-sociale.

Bien que toutes les personnes touchées n’aient ou ne développent pas de maladies associées, la réalisation d’un diagnostic est capitale pour orienter les personnes vers une prise en charge psychiatrique ou gériatrique.

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Julie P., Journaliste scientifique

– Diogenes syndrome : a prospective observational study. The Journal of aging research and clinical practice. JC Monfort et al. Le 17 août 2017.

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Julie P.
Journaliste scientifique
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