Douleurs chroniques : le début de la fin pour les opiacés ?
Avec près de 65 000 décès en 2016, les overdoses médicamenteuses sont la première cause de mortalité accidentelle aux Etats-Unis. Prescrits d’abord pour des douleurs chroniques, ces pilules à base d’opiacés créent, au fil du temps une forte dépendance physique et psychique. Un nouvel espoir de voir reculer ce fléau vient de naitre : le Derm-Bot.
Retour en bref sur la « crise des antalgiques opiacés »
Pour soulager les douleurs chroniques, certains patients ont recours à des antalgiques à base d’opiacé. On distingue d’ailleurs les antalgiques opioïdes faibles (codéine, tramadol) de classe II et les antalgiques opioïdes (morphine, fentanyl) de classe III.
À savoir ! Les douleurs chroniques se définissent, selon la Haute Autorité de Santé comme « un syndrome multidimensionnel exprimé par la personne qui en est atteinte ». La douleur se caractérise par la persistance ou récurrence (depuis plus de trois mois) et la baisse significative des capacités fonctionnelles et relationnelles du patient dans ses activités quotidiennes.
La crise sanitaire des opiacés aux Etats-Unis est sans précédent et le phénomène de dépendance, touchant aujourd’hui 2 millions d’Américains, est souvent initié par une première prescription médicale pour soulager des douleurs articulaires, des maux de tête ou des douleurs consécutives à une chirurgie.
Le 26 octobre 2017, Donald Trump a d’ailleurs décrété » l’urgence sanitaire nationale pour lutter contre la dépendance aux produits opiacés « .
En effet, l’analgésique le plus prescrit outre-Atlantique est l’oxycontin, un des antalgiques opioïdes le plus fort selon le classement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et réservé initialement aux malades du cancer en phase terminale et à la prise en charge des douleurs post-opératoires.
Les autres opioïdes prescrits pour diminuer la douleur chronique sont la morphine et le fentanyl.
Le potentiel d’addiction de ce type de médicaments demeure très élevé et certaines personnes devenues « accros » basculent dans la consommation à outrance de médicaments ou dans l’héroïne.
À savoir ! ! Les opiacés sont obtenus à partir de l’opium, produit sédatif d’origine naturelle provenant de cultures de pavot. La morphine, l’héroïne, la codéine, la méthadone et la buprénorphine à haut dosage sont des opiacés. L’héroïne est l’opiacé le plus recherché en tant que drogue et ses propriétés sont comparables à celles de la morphine mais elle agit plus vite et plus intensément. Elle provoque l’apaisement, l’euphorie et une sensation d’extase puis une somnolence, des nausées et des vertiges.
Pour faire reculer cette épidémie de décès liés aux surdosages de médicaments, des équipes de chercheurs travaillent sur la mise au point de nouveaux médicaments antidouleur efficaces n’ayant pas ce potentiel addictif.
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Vers une nouvelle molécule plus sécuritaire ?
Maria Maiarù et ses collègues de l’University College London au Royaume-Uni ont voulu mettre à profit les activités inhibitrices de la toxine botulique sur l’activité des neurones.
À savoir ! Au Royaume-Uni, 5 % de la population suit un traitement à base d’antalgiques opioïdes et 80 % d’entre eux subissent les effets indésirables de ces médicaments.
À savoir ! La toxine botulique est produite par Clostridium botulinum, une bactérie présente essentiellement dans le sol. C’est une neurotoxine puissante qui peut paralyser tout le corps et causer la mort par défaillance respiratoire. Certains types de toxines (il en existe huit au total) peuvent également être utilisés à faibles doses pour bloquer les signaux nerveux. Les injections de « botox » ont été utilisées comme relaxant musculaire permettant aux gens de se débarrasser, pendant un laps de temps, des rides du visage. Le Botox est aussi utilisé pour traiter les spasmes musculaires, les migraines chroniques et la douleur de la nuque.
Ainsi, ils ont mis au point, une molécule hybride composée d’une partie de molécule botulique et d’autre part de dermorphine, un opioïde 40 fois plus puissant que la morphine. Au final, cette molécule chimère, nommée Derm-BOT, va inhiber spécifiquement les neurones impliqués dans le traitement de la douleur au niveau de la moelle épinière.
En testant cette molécule, pendant 5 ans, sur plus de 200 souris souffrant de douleurs chroniques, les chercheurs ont montré qu’une injection intrathécale (dans la moelle épinière) suffisait à stopper la douleur chronique (douleur inflammatoire et neuropathique) pendant au moins un mois.
En parallèle, ces travaux, publiés dans la revue Science Translational Medicine, montrent qu’aucun effet indésirable d’accoutumance et de dépendance n’a été observé.
Dès à présent, l’équipe de chercheurs cherche des partenariats pharmaceutiques pour produire Derm-BOT dans les conditions requises pour les produits biopharmaceutiques en santé humaine. Ensuite, les premiers essais cliniques seront réalisés.
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Julie P., Journaliste scientifique
– Selective neuronal silencing using synthetic botulinum molecules alleviates chronic pain in mice. Science Translational Medicine. M. Maiaru et al. Consulté le 24 juillet 2018.
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