Fin du placebo dans les essais sur les anticancéreux ?
Avant d’arriver sur le marché, un médicament doit apporter la preuve de son efficacité clinique, notamment par rapport à une substance inactive, le placebo. Dans les essais cliniques, les patients volontaires peuvent être amenés à recevoir, souvent sans le savoir, soit le médicament à tester, soit un placebo. Récemment, l’agence américaine du médicament a publié de nouvelles préconisations sur l’utilisation du placebo dans les essais cliniques sur les futurs traitements contre le cancer.
Effet placebo
Qu’est-ce qu’un placebo ? Il s’agit d’une substance inactive, administrée de la même manière qu’un médicament qui fait l’objet d’un essai clinique. En comparant les données cliniques des personnes recevant une substance inactive ou de celles recevant le médicament, il est possible d’évaluer l’efficacité clinique du médicament testé.
Mais le placebo est aussi associé à ce que les spécialistes appellent l’effet placebo, qui correspond à l’effet thérapeutique observé suite à l’administration d’un placebo. En effet, même après l’administration d’une substance inactive, les chercheurs observent souvent un effet sur différents paramètres biologiques ou comportementaux. L’effet placebo se retrouve dans toutes les maladies, avec des intensités variables. De nouvelles recherches en neurosciences ont récemment mis en évidence que certaines aires cérébrales seraient activées, après l’administration d’un médicament, comme après celle de la substance inactive.
Si l’effet placebo fait l’objet de nombreuses controverses quant à son origine et son interprétation, il n’en demeure pas moins que la substance inactive occupe actuellement une place centrale dans les essais cliniques.
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Des essais en double aveugle contre placebo
Parmi les essais cliniques, les essais dits randomisés contre la substance inactive sont souvent considérés comme les plus qualitatifs. Dans ces essais, les volontaires ou les patients reçoivent sans le savoir l’un des deux traitements suivants :
- Le médicament à tester ;
- Un placebo.
Lorsque ces essais sont effectués en double aveugle, à la fois les patients et les auteurs de l’essai ne savent pas si le patient reçoit un médicament ou une substance inactive. L’utilisation très courante de la substance inactive est censée réduire les risques de biais ou d’interférences dans les études, pour augmenter la fiabilité des résultats obtenus.
Pourtant, l’utilisation de la substance inactive pourrait bientôt être remise en question, en particulier dans le cas de certains médicaments, comme les anticancéreux. L’agence américaine du médicament (FDA, Food and Drug Administration) s’est en effet récemment prononcée en faveur d’une révision de l’utilisation de la substance inactive dans les essais sur les anticancéreux, pour des raisons à la fois pratiques et éthiques.
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Plus de placebo dans les essais sur les anticancéreux ?
L’utilisation de la substance inactive dans les essais cliniques peut engendrer certaines situations, discutables sur le plan éthique, notamment :
- Des patients atteints d’une maladie grave comme le cancer peuvent recevoir une substance inactive au lieu d’un traitement potentiellement efficace.
- Certains effets secondaires peuvent être imputés à tort au médicament testé et être alors mal pris en charge.
- Les patients sous placebo risquent de ne pas bénéficier d’un changement de traitement, si leur maladie progresse au cours de l’essai.
Face à de tels arguments, la FDA préconise une utilisation plus restrictive de la substance inactive, dans des circonstances bien particulières, notamment lorsque le médicament testé n’est qu’un traitement complémentaire ou lorsque le critère étudié est uniquement subjectif, comme la qualité de vie.
De plus, l’agence américaine recommande de lever le caractère aveugle des essais cliniques dans les cas suivants :
- Lorsque la maladie d’un patient sous placebo évolue défavorablement, pour pouvoir lui proposer rapidement un traitement efficace ;
- En cas d’effets secondaires potentiellement associables au médicament testé, pour traiter de manière optimale le patient.
Le recours au placebo est considéré comme un gage de fiabilité pour les essais cliniques, mais il peut aussi s’avérer défavorable à la prise en charge des patients qui le reçoivent. Une situation difficile à accepter, surtout pour des patients atteints de maladies graves, comme les cancers.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie
– Hematologic Malignancy and Oncologic Disease: Considerations for Use of Placebos and Blinding in Randomized Controlled Clinical Trials for Drug Product. Development Guidance for Industry. Draft Guidance. Food and Drug Administration. Fda.gov. August 2018.
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