Maladie de Crohn : la levure de boulanger incriminée
Environ 100 000 personnes sont atteintes en France de la maladie de Crohn, avec des conséquences très importantes sur la santé et la vie quotidienne. L’origine de cette maladie inflammatoire reste une énigme et aucun traitement ne permet de la guérir. Une récente étude implique la levure de boulanger dans le développement de la maladie et suggère une nouvelle piste thérapeutique.
Qu’est-ce que la maladie de Crohn ?
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire chronique du tube digestif, touchant principalement les intestins. Elle évolue par une succession de poussées, de durées et de fréquences variables, et de périodes d’accalmie.
Cette maladie se manifeste principalement par des symptômes digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales ou anales, écoulements rectaux), auxquels s’ajoutent d’autres signes (articulaires, cutanés, oculaires,…). Lors de son évolution, différentes complications sont possibles, avec entre autres, une augmentation du risque de développer un cancer colorectal.
Aucun traitement ne permet actuellement de guérir la maladie de Crohn. Une prise en charge adaptée permet néanmoins de traiter les poussées et les éventuelles complications, d’éviter les rechutes, de préserver l’état nutritionnel et ainsi d’améliorer la qualité de vie du patient.
Même si son origine reste inconnue à ce jour, plusieurs facteurs pourraient contribuer à son développement :
- Une prédisposition génétique ;
- Des troubles immunitaires ;
- Des facteurs environnementaux ;
- Le tabagisme.
L’importance du régime alimentaire et l’action de certaines bactéries font actuellement l’objet de plusieurs études scientifiques. Mais d’autres organismes pourraient-ils jouer un rôle dans cette maladie ?
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Une levure impliquée dans la maladie de Crohn
La levure de boulanger, Saccharomyces cerevisiae, est un champignon unicellulaire très fréquemment présent dans l’environnement, à la fois dans l’alimentation (produits de boulangerie et de pâtisserie, boissons fermentées comme la bière), mais aussi dans les intestins de l’Homme.
Or, deux tiers des personnes atteintes de la maladie de Crohn sécrètent des anticorps dirigés contre la levure (protéines synthétisées par le système immunitaire pour reconnaître spécifiquement Saccharomyces cerevisiae). Le dosage sanguin de ces anticorps contribue déjà au diagnostic de la maladie. Mais quel rôle joue la levure dans le développement de la maladie de Crohn ?
De récents travaux menés sur la souris ont mis en évidence que la présence de la levure dans les intestins aggrave l’inflammation intestinale, caractéristique de la maladie. Cet effet n’est pas retrouvé avec un autre champignon rencontré habituellement dans les intestins. La levure exercerait son effet, en augmentant la production d’acide urique au niveau intestinal.
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Une nouvelle piste thérapeutique ?
La découverte du lien entre la levure et la maladie de Crohn chez la souris a permis aux chercheurs de tester un nouveau traitement : l’allopurinol. Ce médicament est utilisé depuis longtemps dans le traitement de la goutte, maladie articulaire liée à une production excessive d’acide urique dans l’organisme.
Administré préventivement à des souris, l’allopurinol permet d’éviter l’aggravation de l’inflammation intestinale, liée à la présence de la levure. Ce médicament pourrait ainsi représenter un traitement alternatif de la maladie de Crohn, en particulier chez les patients produisant des taux élevés d’anticorps anti-levures. En effet, les prélèvements sanguins de 168 hommes et femmes en bonne santé révèlent une corrélation entre les taux d’anticorps anti-levures et d’acide urique.
Les chercheurs espèrent désormais que des études cliniques seront mises en place pour évaluer l’efficacité thérapeutique de l’allopurinol sur la maladie de Crohn. D’autres traitements pourraient également être testés, comme des thérapies anti-levure ou l’élimination des aliments contenant des levures vivantes. Ces travaux ouvrent dans tous les cas une voie intéressante pour tous les patients souffrant d’une maladie de Crohn.
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Estelle B. / Docteur en Pharmacie
Sources :
La maladie de Crohn. AMELI Santé. Mis à jour le 24 janvier 2017
A member of the gut mycobiota modulates host purine metabolism exacerbating colitis in mice. Chiaro, Tyson R. and al.. Science Translational Medicine 9, eaaf9044. 2017
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